L’abaissement de la brèche
Il eut le temps de constater la dureté des conditions de vie dans ce lieu et comprit qu’elles seraient plus agréables à partir du moment où l’horizon serait dégagé, en abaissant le seuil de la brèche afin d’avoir un peu plus de lumière à la hauteur de la chapelle Venture.
On peut lire, dans l’acte de fondation de 1664 d’Honoré Lambert en faveur des frères Carmes : « ... et parce que le soleil n’y entrait de tout l’hiver, a fait ouvrir la montagne du côté du midi, voulant ôter la grande humidité et rendre par ce moyen, le lieu beau et sain, autant habitable qu’il était auparavant inhabitable« .
Il avait surtout l’idée de réaliser une belle esplanade, devant la chapelle et le bâtiment de vie des moines, appelé familièrement » monastère « , en construction, qui déboucherait sur un belvédère dominant la vallée de l’Arc.
Une quittance du 20 août 1663, signée du maçon Mayeurz, décrit les travaux d’ouverture de la brèche avec de « la poudre à canon », sur une hauteur de 12 mètres, pour un coût de 1200 £; les 450 mètres cubes de rochers déblayés seront utilisés à combler le vallon pour en faire l’esplanade.
Le résultat de ce travail est bien visible de nos jours : en regardant les parois des falaises des 2 côtés de cette brèche, on voit de nombreuses traces de forages réalisés à coup de barre à mine sur une grande hauteur, montrant que le rocher a été arraché par explosion.
Les trous de 5 cm de diamètre et de plus de 1 m de long étaient réalisés avec une barre cylindrique en fer se terminant par un burin en acier trempé : un « frappeur » cognait sur le manche, puis un « aide-tourneur » faisait tourner le manchon d’un angle de 15°. De temps en temps, une « curette » était enfoncée dans le trou pour extraire les débris de roche. Même avec des gros bras, on peut imaginer le temps nécessaire pour réaliser un trou ! On enfonçait alors de la poudre noire (composée de salpêtre, charbon de bois et soufre) et on le remplissait d’étoupe puis d’argile, traversés par une mèche. On y mettait le feu et on recommençait un peu plus loin !
La silhouette de cette cette brèche, comme découpée au laser, est particulièrement instructive, aussi bien vue du côté de l’esplanade…
…que vue du ciel, au dessus du Jardin des moines : ces photos sont la meilleure preuve à l’appui du texte de 1664.
On a pu reconstituer l’aspect original de la falaise avant ce travail titanesque, la brèche faisant 12 m de large. Nous pouvons voir que la coupe, de chaque côté, monte à plus de 12 m, même si, au centre la hauteur a pu être plus faible. Et ceci, avec une épaisseur de 5m aux extrémités et de 3 m au centre, représentant un volume abattu d’environ 250 m3.